Accueil à quatre mains Aux Portes de Yeruham

Aux Portes de Yeruham

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 C’était jadis
c’est aujourd’hui

Ils avaient cheminé longtemps vers le couchant
parcouru les déserts
franchi le fleuve de la peine et ses eaux de limon
vers le pays de Canaan

Beaucoup étaient morts sur la route
et leurs os blanchis sur les sables
dessinaient le chemin douloureux
de l’Exode

La cohorte sans fin marchait les yeux fixés à l’horizon
femmes avec des enfants dans les plis de leurs robes
hommes au regard creusé chargés de peu d’effets
après tant de chemin et après tant d’efforts

 

jericho

collage Ghislaine Lejard

 

Au pied de Yeruham
ils s’étaient arrêtés
assoiffés de l’ombre des palmiers
bleue parmi les fontaines
et les chants des ramiers qui montaient dans le ciel
rose du crépuscule avec des cris d’enfants
comme des éclaboussures
sur l’or aride du désert

 Mais la ville était fermée

 

*

 

 

Cétait jadis
c’est aujourd’hui

 Instables comme les dunes au souffle du désert
furent dressées devant la ville
cadenassée sur ses richesses
les ailes frissonnantes d’un camp de toile
et les enfants nés en chemin contemplaient la porte
immense qui leur barrait l’avenir

 Et les troupes de Yehoshua enlacèrent
sept jours durant
l’oasis aux palmiers
du chant des trombes et des rhombes
sous le soleil ardent
dans l’ombre rousse de la ville
falaise roide surgie des sables 

Mais au coeur inflexible de la citadelle
le coeur des habitants demeurait sourd
au son d’or des trompettes
faisant fleurir sur la muraille des plaies de roses
comme des mains agriffées à la roche

 La vie indifférente y poursuivait son cours
dans le calme discret de leurs frais patios
où chuchotent les oiseaux
sur les marchés où dattes et citrons s’amoncèlent
dans les rires et les cris des hommes insouciants

 

*

 

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collage Ghislaine Lejard

C’était jadis
c’est aujourd’hui

Sept jours durant les troupes
enlacèrent la ville

Au soir de la septième lune
dans des clameurs de cuivre s’écroulèrent les murs
Au souffle des trompes d’or une fine poussière
s’éleva en colonne noire et tourbillonnante en place des murailles
et quand elle retomba
des fleurs saignaient dans les gravats
devenus sable à Yeruham

 

*

Souvent à travers le désert
jusqu’au rivage de la mer
le vent roule – pelotes sèches -
les roses mortes de Yeruham

Elles attendent une larme pour ouvrir leurs rameaux
et reverdir en l’âme qui saura les cueillir

 C’était jadis
c’est aujourd’hui

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(février 2017 – poème inspiré par les collages de Ghislaine Lejard.)

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