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Phyllis Wheatley – Hymne au matin

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photo tirée du site https://www.zayataroma.com/fr/huiles/myrique-baumier

J’ai déjà publié sur minotaur/A la traduction de l’Hymne au soir de la première afro-américaine poète et esclave, Phyllis Wheatley, dont la destinée m’occupe depuis quelques temps et pour qui j’écris à mon tour un chant – une suite de poèmes et de réflexions sur la création, la perte d’identité et la reconstruction dans un autre contexte culturel et linguistique …

Cet hymne au matin fait pendant au précédent – tout comme pour lui, j’ai essayé de conserver un rythme d’alexandrins, forme classique en France répondant à la versification en décasyllabes utilisée par la poète, dont les vers m’évoquent la poésie de Pope, ou Thomas Gray, et son « élégie dans un cimetière de campagne » écrite entre 1740 et 1750, et qui faisait certainement partie des livres lues par Phyllis, née aux alentours de 1753, qui découvrit l’Amérique et la culture anglaise après sa capture en Afrique en 1761. J’ai également essayé de conserver des assonances, en fin de vers, pour suivre la construction originale.

Certains mots m’ont posé problème : vieillis, étranges pour moi : correspondent-ils à des naïvetés, à des emplois oubliés, ou poétiques?

Ainsi « lay » (Attend my lays) qui est utilisé pour la ponte d’un oeuf – utilisé ici pour parler de la production du poète – je l’ai rendu par « gésine », mot vieilli qui signifie « l’accouchement »
j’ai beaucoup hésité sur la traduction de « feathered race « - race emplumée, race porte-plume… la traduction « évidente » est celle que j’ai retenue : « gent ailée » – mais peut-être y perd-on un trait spécifique de l’écriture de la poète.

« the bowers, the gales…  » – les « berceaux de verdure » des charmilles et le contexte indiquent que « gale » n’a rien à voir avec le sens généralement évident de « tempête, coup de vent » – il s’agit d’un arbre, le myrique baumier, ou muscade boréale – j’ai choisi le terme local, qui me semblait adapté au lexique (que je recompose) d’une enfant en contact avec la nature et qui nomme les choses qu’elle connaît. 

Hymn to the Morning

 

ATTEND my lays, ye ever honored Nine,

 Assist my labors, and my strains refine;

 In smoothest numbers pour the notes along,

 For bright Aurora now demands my song.

 

Aurora hail! and all the thousand dies

 Which deck thy progress through the vaulted skies:

 The morn awakes, and wide extends her rays,

 On ev’ry leaf the gentle zephyr plays;

 Harmonious lays the feathered race resume,

 Dart the bright eye, and shake the painted plume.

 

Ye shady groves, your verdant bloom display,

 To shield your poet from the burning day:

 Calliope, awake the sacred lyre,

 While thy fair sisters fan the pleasing fire.

 The bowers, the gales, the variegated skies,

 In all their pleasures in my bosom rise.

 

See in the east, the illustrious king of day!

 His rising radiance drives the shades away—

 But oh! I feel his fervid beams too strong,

 And scarce begun, concludes the abortive song.

 

:

Hymne au matin

 

Assistez ma gésine,  vous les Neuf honorées

Soutenez mon travail, mes efforts peaufinez ;

Faites couler les notes en des rythmes adoucis

Car la brillante Aurore attend ma poésie.

 

Je te salue, Aurore ! les teintes par milliers

Qui ornent ton parcours sous la voûte azurée.

Le matin, rayonnant, en s’éveillant s’étire,

Sur chaque feuille s’amuse le suave zéphyr ;

Et reprenant son mélodieux labeur, la gent ailée

Darde des yeux  brillants, secoue ses plumes peintes.

 

 

Vous, bosquets ombragés, sous vos denses verdures,

Abritez le poète du jour et sa brûlure :

Calliope, réveille donc ta lyre tant sacrée,

Et que tes nobles sœurs attisent le foyer.

Charmilles, bois-sent-bon[i],  ciels changeants,

Pointent dans ma poitrine, tous beaux et avenants !  

 

Voici paraître,  à l’Est, l’illustre roi du jour !

Son éclat en naissant chasse l’ombre alentour—

Hélas, de ses rayons la fièvre est bien trop forte :

A peine commencé, meurt mon chant qui  avorte.


[i] Gale – bois-sent-bon Le piment royal, myrte des marais, myrte du brabant ou pour les francophones d’Amérique le bois-sent-bon ou myrique baumier est une plante arbustive de la famille des Myricaceae aussi appelé myrique baumier  -c’une plante arbustive de la famille des Myricaceae. Aussi muscade boréale, arbuste très répandu au Canada, en bordure des lacs ou des marais – sa résine odorante repousse les moustiques et ses fruits servent d’épice

 

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