éditions La Porte, chez Yves Perrine, mars 2017
notes de lecture :
Un mot de Laurent Grison sur « Aeonde »
Chère Marilyne,
« Aeonde » ? Insolite, ce mot est entendu en rêve par Marilyne Bertoncini. Il n’est ni onde, ni songe, ni ombre, ni aérien, mais peut-être tout cela à la fois. Il incite la poétesse à nous introduire en son théâtre d’ombres révélatrices. L’opuscule se révèle à la façon d’un rébus dispersé entre les divers poèmes.
L’Aeonde est une muse- fantôme composite « errant dans les rues vides ». « L’âme » de la poétesse s’est couchée, tendre et triste, devant cet être spectral aux « ailes repliées ». La citation de Haendel placée en exergue (l’ode Alexander’s feast), rappelle que, pour plaire à une courtisane, le grand Alexandre a brûlé Persépolis. D’où l’interrogation sur les incendies secrets recélés dans le recueil.
La sensibilité aiguë de l’auteure se signale par le placement de nombreux adjectifs avant les substantifs auxquels ils se rapportent. Ils frappent ainsi le lecteur de plein fouet : « grenu grésil », « mercurielle floraison », « anciens désastres », « fatale semeuse », « stagnante lame », « sibyllin murmure », « vives arêtes », « opaque brume », « muet fracas ». Ce dernier reconstruit alors sa propre lecture : fatale-muet-mercurielle- opaque, etc… Autant de miroirs anciens étamés – en quelque sorte - par l’affliction. Ce jeu d’ombres et d’obscur est conforté par des mots dont le sens réel (« obombrée », « anuiter ») se mue parfois en figuré (« sibyllin »). Il en émerge un monde embruni, tout en grisaille. Les sons l’emportent et se répètent en harmonie : pluie de suie, tourbe et tourment, aile et houle, feuille et flamme, cendre et silence. Dans les jardins de la créatrice, un gibet, des repentirs, des mains coupées disent ensemble une détresse intime. Mort au vaincu, mort à toi. La clé de l’énigme est-elle là ?
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