About translating, and traduire :
En écrivant le titre, je réalise qu’il sonne comme le film de Sofia Coppola, LOST IN TRANSLATION – rien d’étonnant : c’est bien le même ETRE-ENTRE-DEUX que j’éprouve quand je traduis – c’est dans cet entre-deux que je vis, que je chemine, portant à la lumière (de mon écran) l’ombre des mots… Avant de relater ce voyage, qui mobilise les mythes, petite incursion dans les dictionnaires :
- translate, interpret, transfer (transfigo, « qui denis hastis corpus transfigi solent » Plautus, Mostellaria (la comédie des spectres), 358 : qui ont l’habitude de se faire percer le corps de dix coups de lance (cf San Sebastian and the return from Hades),
- translation, transference, interpretation, resurrection
- translative, translator, transliterate…
see the indo european etymon BHERII
- traduire (and his false friend traduce) : emprunté (Alain Rey) al lat, « conduire au-delà, faire passer, traverser » (I was so sure it had something to see with Euridice!) trans- ducere
- traductor, ital, guida- the medieval translater devient « transporter en un autre endroit, aliéner, transcrire et traduire;
- translation, lié à déplacement de reliques, puis de droit, cf transfert, et aussi déplacer les restes d’un mort (1691)
- mouvement de translation, mécanique, géom; informatique
- translittération ie transcription lettre pour lettre d’un alphabet ou syllabaire dans un autre.
- traduire – transposer,décoder, rendre, exprimer
near word : anamorphosis – transcrire – décrypter -
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Que la traduction soit le lieu – mieux, l’utopie – de la séduction? Traduire, c’est guider (ducere) mais à travers un biais, de travers…
translation, d’autre part, m’évoque le thème des lignes pointillées qui guident vie et rencontres – on y va de côté (lato/latéral), on transporte – mais le dict latin dit aussi latens (caché, secret, mystérieux, lateo, se cacher) et j’imagine que latéral vient de cette idée qu’on évite ce qui fait face, et qui, de ce fait, reste en partie inconnu ?
Translatio, l’action de transférer, transporter – chez Varron (probablement Res Rusticae), il désigne une sorte de griffure par incision (how near to writing!) Il évoque aussi métaphore, changement et métathèse…
Quand je traduis, je sais que je suis comme Eurydice – chargée d’un petit sac d’ombre qu’il me faut ramener à la surface . Travail d’ombre sous les racines des mots, pour en retrouver les sens cachés, qu’une précoce exposition pourrait flétrir.
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« Le traducteur n’est pas un passeur du sens des mots mais l’auteur de leur trame de relations nouvelles. Et il n’est pas le peintre de la partie éclairée du sens, mais le guetteur de l’ombre et de ce qu’elle suggère. »
Élias Sanbar, préface à La Terre nous est étroite de Mahmoud Darwich, Poésie/Gallimard, 2000
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