Je traduis depuis des années les poèmes de Gili Haimovich, dont ceux du recueil Soleil Hésitant (éd. Jacques André).
Celui-ci m’est arrivé récemment, après le 7 octobre 2023, et la guerre entre Israël et Palestine. Gili et sa famille ont manifesté pour la paix pendant des mois avant les tragiques événements – et je compatis à sa stupéfaction et sa douleur, qui s’ajoute à ma compassion pour toutes les victimes, des deux côtés de la frontière, mortes ou déplacées – sans maison désormais – je repense aux poèmes de Mahmoud Darwich, évoquant l’exil forcé, dans le recueil Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude (éd. Actes Sud) – et je pense à Claude Roy, écrivant « Le poète dit J’y suis pour tout le monde ».
Le poète, s’il l’est vraiment, ne peut que partager la souffrance – en faire l’expérience aussi, et la dire à sa façon, humblement, sans cris et sans éclats - mais tenace et fraternel, rester là, pour tout le monde.
Experiments in Parting
Once when the wind stopped blowing,
the houseplants had already given up,
even the stains on the tiles
were refurbished into a desert.
Experiments in parting,
marriages in parting.
We’ll exert ourselves to love, to adhere.
The chaff becomes a crop,
love a habit, gratitude.
You’d forget that once you didn’t know
the palm’s lines,
that it was ever open,
the imprint of its warmth.
You’d forget that once you didn’t know
that once you had a home
to slam shut.
Gili Haimovich
Expériences de séparation
Autrefois, quand le vent cessait de souffler,
les plantes d’intérieur avaient déjà renoncé,
même les taches sur le carrelage
étaient refourbies comme un désert.
Expériences de séparation,
mariages en séparation.
On s’efforcera d’aimer, d’adhérer.
La paille devient récolte,
L’amour une habitude, gratitude.
Tu oublierais qu’autrefois tu ignorais
les lignes de la main,
qu’elle était toujours ouverte,
l’empreinte de sa chaleur.
Tu oublierais qu’autrefois tu ignorais
qu’autrefois tu avais une maison
pour en claquer la porte.
trad. Marilyne Bertoncini